Eloah est soudain au plus mal. Il faut d’urgence la soigner mais Ahîam en est incapable. Que se passe-t-il ? Heureusement, ils arrivent bientôt dans un temple très important d’Eniripsa. Et, peut-être même plus important qu’il n’y parait au premier abord. Quelle est donc cette énergie qu’a senti Ferora sous le temple ? Nos compagnons vont-ils enfin avoir toutes les pièces du puzzle ?
Elle ne pouvait plus se défiler, Noïga voulait absolument des réponses. Seulement, elle venait juste de récupérer son statut de Ryukana. Elle ne voulait pas le perdre après quelques heures à peine. Elle se rappela alors que sa Déesse ne lui avait pas reproché d’avoir dévoilé ce secret à son amie, et qu’Ahiâm était déjà au courant grâce aux livres d’histoire qui avaient survécu à la Catastrophe. Il est vrai que les Ryukane n’existaient plus à cette époque, ils avaient tous disparu plus de 1 000 ans plus tôt, alors nul besoin de garder leur existence secrète. D’autant plus que cela faisait de la bonne publicité aux Dieux et Déesses, la majorité du temps. Finalement, serait-ce si terrible si elle dévoilait ce secret maintenant à Bekaroë et la disciple de Sadida. Elle ne les connaissait que depuis quelques jours, pourtant elle était sûre de pouvoir leur faire confiance. Et puis, c’est cela l’aventure, faire confiance à des inconnus afin d’avancer dans l’histoire, non ?
— Tu as raison, Noïga. Ce n’est pas normal que je possède tant de pouvoirs, aucun mortel ne peut en avoir autant.
— Alors, qu’es-tu ? demanda-t-elle, incertaine de vraiment vouloir connaître la réponse.
— Une Ryukana, lui répondit-elle droit dans les yeux sans faire attention à la surprise d’Eloah, Darinao et Ahiâm.
— Une… Quoi ?! s’exclama le disciple d’Iop. C’est quoi ça ? interrogea-t-il la cantonade qui fut d’abord stupéfaite de son ignorance puis hilare en se souvenant de sa nature.
— Merci, Bek’.
— De quoi, Ferora ?
— D’avoir détendu l’atmosphère. Et puis, tu sais, si votre Dieu ne prône pas l’intelligence, ce n’est pas sans raison, ajouta mystérieuse la Ryukana.
— Alors comme ça, les Riucanes ont vraiment existé. C’est fabuleux… Et dis, c’est vrai ce qu’on raconte, que vous êtes aussi puissants que des dragons et que vous êtes nés d’un dofus ? voulut savoir la curieuse disciple de Sadida.
— Non, ça, ce sont les Eliatropes… Oups !
— Les Elia… Quoi ? s’étonna-t-elle aussitôt.
— Rien, rien. Non, nous ne naissons pas dans des œufs, mais comme vous d’un père et d’une mère. Il y a cependant quelques manipulations du Dieu ou de la Déesse qui veut un ryukana, bien entendu. Ce serait un peu long à vous expliquer, vous ne croyez pas ?
— Oui, peut-être bien… hésita Noïga.
— J’aimerai pourtant en savoir plus, déclara une nouvelle voix.
Aussitôt, tout le monde se leva et chercha d’où elle provenait. Ce n’était pas le moment de retomber dans un piège. Malheureusement, ils eurent beau observer de leur mieux les alentours, ils ne découvrirent pas l’inconnu. Ce n’est qu’au moment où Ferora se lança dans des recherches magiques qu’il se matérialisa devant eux, à une distance respectable. Ce qui sembla l’étonner, puis l’amuser.
— Je vois que les livres d’histoire n’ont pas exagéré vos pouvoirs, Ryukana. Réussir à créer si vite un bouclier si puissant, et à mon insu. Chapeau bas, mademoiselle.
— Qui êtes-vous ? questionna celle-ci, une aura rougeâtre commençant à se développer.
— Rassurez-vous, je ne vous veux aucun mal. C’est la curiosité qui m’amène. Ce n’est point souvent que de telles puissances de Wakfu sont déchainés. En tant que gardien de ce territoire, je me devais d’enquêter. Et voilà que je tombe sur un mythe ! Avouez qu’il y a de quoi éveiller la curiosité de n’importe qui.
— Gardien ? fit la jeune femme surprise.
— Oh ! C’est un membre du Clan, réalisa soudain Ahiâm. Ce sont un peu vos remplaçants en somme. Ce sont des mortels que les Dieux et Déesses ont élevés au stade de demi-Dieux et demi-Déesses afin qu’ils puissent protéger un territoire donné. Après la Catastrophe, ne pouvant être partout à la fois, Ils ont dù déléguer.
— C’est exactement ça. Je me présente, Ganapsus Lespiegle, ancien chef de la guilde « Les Fanfarons de Matredam ». Pourrions-nous discuter, maintenant que les présentations sont faîtes.
Ainsi fut fait après que Ferora ait levé sa protection. Ganapsus voulut tout savoir sur les caractéristiques des Ryukane ainsi que leur histoire. D’abord, la jeune femme lui répondit avec réticence, puis le temps passant, elle en dévoila de plus en plus et dériva même sur les raisons de leur venue à cette époque. Le membre du Clan ne pouvait les aider directement puisque lié à son territoire, mais il leur assura qu’il parlerait d’eux à ses amis. Ce qui n’était déjà pas la plus mince des aides. Finalement, il dù repartir avant la fin du jour, des obligations l’attendant au crépuscule. Toutefois, il ne parti pas sans avant lancer une puissante attaque contre le groupe et voir la jeune femme aux cheveux de feu la parer avec facilité. « Je ne m’en lasse pas. A la prochaine, Fero ! » furent ses derniers mots.
— Voilà une rencontre atypique, remarqua la disciple de Sacrieur à droite de la disciple de Féca.
— Effectivement, s’amusa cette dernière. Et puis, cela faisait longtemps qu’une telle rencontre ne s’était pas aussi bien terminée.
— C’est tout à fait vrai ! lança Eloah avant que ne s’esclaffent les deux amies.
— Allez ! Il faut se reposer, demain nous devons commencer la route vers le temple d’Eniripsa.
— Tu es sûre ? Même si ton frère n’a plus les larmes de sa Déesse ? s’inquiéta Ferora.
— Oui, d’après ce que m’a dit Ahiâm, il y a là-bas des tas de choses qui pourraient nous être utiles.
— Oki, c’est toi qui voit. Dari ! Viens, allons chercher du bois mort pour le dîner.
— Oui, tout de suite, Fero ! s’exclama la jeune fille, heureuse de retrouver la jeune femme pleine d’énergie décrite par sa grande soeur.
Tandis que Ferora et Darinao récoltaient de quoi alimenter un foyer incandescent, Bek’ et Noïga partageaient leurs dernières aventures en se remémorant certains évènements passés. Eloah et son frère jumeau s’en retrouvaient donc en tête à tête, Ahiâm confia ses craintes.
— Tu sais, j’appréhende beaucoup ce voyage, maintenant…
— Ne t’inquiète pas petit frère, répondit-elle d’un ton rassurant, tu m’as dit toi-même que ce voyage n’était pas qu’une simple livraison du précieux liquide en des temples isolés de ce monde, il a un but bien plus profond.
— C’est ce qu’on nous a toujours rabâchés, oui. Mais je doute que les prêtres aient envisagé cette situation… Quel idiot je fais… Si le premier Iop venu est capable de prendre la fiole pour arroser ses plantes ! Je n’ai pas su la protéger. Je ne suis pas digne…
— Tatata ! Veux-tu te taire ! gronda Eloah en posant ses mains sur les épaules de son frère. Je te rappelle que j’ai un peu d’avance sur toi sur ce coup là. Je suis une disciple confirmée. Je suis passé par là, déjà… Et crois-moi, ma mission initiale a très vite dévié. Pour tout te dire, je ne l’ai jamais faîte, d’ailleurs.
— Quoi ? Comment ça, jamais faîte ? Tu aurais… triché ? se risqua Ahiâm l’œil inquiet.
— Mais non, voyons ! Tu sais, les prêtres te confient une mission parce qu’il faut bien te donner un but, une motivation, un point de départ, un itinéraire, et un point d’arrivée. Mais au final, je crois qu’ils se moquent bien de ces soit-disant quêtes.
— Papa avait l’habitude de dire que le résultat ne comptait pas, seul le chemin importait.
— Exactement. Alors, tu vois petit frère, ce chemin on va le faire. Ensemble. Et, qui sait ? Les Dieux conduiront peut-être nos pas vers Lean.
— Tu es incroyable, Elo. sourit le jeune soigneur, les larmes aux yeux. Tu sembles déjà doter d’une grande sagesse.
— Ha ! Ha ! Si Fero t’entendait ! Sage, je ne sais pas. Mais déterminée, battante, optimiste, oui ! Et tu vas me faire le plaisir de reconquérir ces vertus !
— Très bien, je m’y colle. Je vais commencer par… battant ! clama Ahiâm en se jetant sur sa soeur, amorçant ainsi un duel fraternel à base de décoiffage, de chatouillements et bien sûr, de rires.
Cette bataille ne passa pas inaperçue et surprit Bek’ et Noïga en pleine conversation. Restant muets quelques secondes, ils se rassurèrent et reprirent le cours de leur conversation en s’amusant cette fois de leurs propres chamailleries passées.
Ferora et Darinao arrivèrent entre-temps. Elles avaient mis un peu de temps car Ferora était tombée sur un ilôt de fleurs jaunes tout à fait particulières, des ÿulis, dont plusieurs propriétés naturelles pouvaient se révéler très utiles. Il était indispensable que Darinao, en tant que jeune aventurière, ait connaissance de leurs capacités. Ces fleurs avaient traversé les âges à l’état sauvage, chose également assez surprenante. Dame Nature est certainement la plus puissante des forces, se dit Darinao. Sur le chemin du retour, Ferora faisait réciter avec satisfaction son élève.
— Le filtrat d’un broyat bouillit de tiges est un anti-venin très efficace s’il est administré dans les quinze minutes suivant la piqûre. Un cataplasme à base des pétales les plus grosses améliore la cicatrisation tandis que faire macérer les plus petites des pétales dans… Heu… Enfin, en tout cas, ça apaise les brûlures du second degré ! récita fièrement la petite disciple.
— C’est presque parfait Dari ! la félicita Ferora. Ce que tu as oublié, tu sais, ce sont les bases réactives contenues dans ces fioles roses en forme de coeur. Ahiâm doit en avoir plein.
— Comment peut-il prévoir à l’avance de quelle base il aura besoin ?
— Justement, ces bases réactives contiennent de multiples substances qui réagiront différemment en fonction de l’extrait de plante que tu mélanges, mais aussi des conditions de préparation, chaud, froid… Ça laisse de multiples possibilités.
— Pfiou, il faut en apprendre des choses pour être disciple d’Eniripsa !
— Les soigneurs sont en effet très calés en botanique. Leurs connaissances médicinales reposent pour moitié sur les potions tu sais, voire même plus… Et tout cet entrainement dans l’élaboration de potion fait d’ailleurs le plus souvent d’eux des cuisiniers hors-pairs.
— Et si on mettait Ahiâm à l’épreuve ? Voir comment il maitrise la cuisson… lança malicieusemant Darinao.
— Je suis assez d’accord. D’autant plus que nous avons fait notre part pour le dîner de ce soir ! répondit Ferora en lui lançant un clin d’oeil complice.
Ainsi fut fait. Après que les jumeaux aient fini de se chamailler, on rit beaucoup de leurs têtes respectives totalement décoiffées. Puis Darinao invita malicieusement Ahiâm à faire preuve de ses talents de chef cuisinier. Le dîner se déroula agréablement. Ahiâm se révéla un excellent cuisinier. Il prit le temps d’agrémenter la viande séchée de quelques herbes et concocta une sauce velouté qui ramollit un peu la viande. N’ayant pas eu le loisir de chasser, la viande séchée améliorée par la sauce et les herbes enchanta les aventuriers. Les baies fraîchement cueillies par Noïga furent dévorées au dessert. Tout le long du repas, la discussion fut plutôt orientée vers Darinao, après que Ferora l’ait présentée comme une excellente élève qui apprenait rapidement. Après quelques doux et magnifiques chants de Noïga, tout le monde prit place autour du feu pour s’endormir paisiblement. Ce fut une nuit calme et reposante, bien méritée.
Le réveil et le petit déjeuner se déroulèrent dans la même ambiance sereine. Noïga trouva même un petit cours d’eau pour se laver. C’est donc propre et reposé que le petit groupe se mit en route vers le temple d’Eniripsa isolé de l’île de Gryne. Ils prirent la direction de la côte Est de l’île où ils se trouvaient, une passerelle devant assurer leur voyage jusqu’au temple de Gryne. Le groupe s’étant étayé depuis peu, tout le monde ne pouvait pas voyager à dos de dragodinde. Il fut donc décidé de charger les paquetages sur deux des trois montures et de monter Darinao sur la dernière. Cette dernière refusa en premier lieu, décidée à marquer ses capacités d’aventurière. Puis, elle changea timidement d’avis après deux heures de marche. C’est au total après quatre heures de marche et une unique pause que la troupe arriva en bordure de la falaise Est.
En fait de passerelle, Eloah et Ferora furent stupéfaites de découvrir un pont assez large pour que puisse se croiser deux charriots, et si long que l’île de Gryne n’était qu’une ligne sur l’horizon. Réalisé en bois de chêne, il était divisé en sept parties distinctes par six hautes tours dont les fondations en pierres taillées semblaient défier l’océan. Un tel ouvrage ne pouvait avoir été réalisé que par des artisans d’exception. Et pourtant, il était là, dans un coin oublié du monde menant à une petite île où seul existait un simple temple dédié à Eniripsa. Il n’aurait pourtant pas dénoter à côté des ponts menant à l’île de Bonta. En tout cas, ceux que s’imaginaient les deux jeunes femmes. Qui avait bien pu commander et payer un tel travail, et pourquoi ?
— Vous semblez un peu perdu, les filles, remarqua Noïga. C’est à cause du pont ? C’est vrai qu’il ne correspond pas exactement à la définition d’une passerelle. Mais, c’est ainsi que les gens du temple le dénomme. Alors, nous faisons pareil.
— Heu… Ouai, d’accord. Mais là, quand même… commença Ferora.
— Oui, c’est un peu… continua Eloah.
— C’est à cause des tempêtes, expliqua Ahiâm.
— Des tempêtes ? s’étonna sa soeur.
— Oui, elles sont assez fréquentes par ici, et très violentes. Alors, pour protéger les personnes qui seraient surprises par l’une d’elle au milieu du pont, on a eu l’idée de ces tours. Avec leurs fondations en pierres, elles peuvent résister aux plus violentes, et si elles devaient s’effondrer, le bois préviendrait les voyageurs.
— Comment ça, le bois préviendrait ? fut-elle surprise.
— Le bois craque avant de céder, éclaira la disciple de Féca.
— C’est exact. Les voyageurs ont donc le temps de prendre des dispositions avant de se prendre la tour sur la tête. Mais bon, aucune d’entre elle n’a encore cédé depuis leur construction voici plus de cent cinquante ans.
— Impressionnant ! s’exclama Eloah.
— Effectivement, appuya son amie. Mais, dis-moi Ahiâm, si les tours résistent, quant en-t-il du pont ? questionna la disciple de Féca.
— Heu… Et bien, je sais qu’il a été prévu que les différentes portions cèdent avant d’entraîner les tours dans leur chute. Mais, je ne n’en sais pas plus.
— Hein ?! Mais alors, on peut se retrouver coincé au milieu du pont ! s’exclama Darinao.
— Temporairement, je suppose, oui. Mais bon, juste le temps que les personnes du temple mettent en place des liaisons d’urgence. Ne t’inquiète pas, des tempêtes assez fortes pour démonter le pont sont tout de même assez rares, la rassura le disciple d’Eniripsa.
— Y’a intérêt !
— J’ai payé notre droit de passage, annonça soudain la disciple de Sadida.
— Un droit de passage ? s’étonna Ferora.
— Tu es bien généreuse, Noïga, répondit Ahiâm en même temps.
— Bah, fallait bien que quelqu’un le fasse pendant que vous discutiez. Et puis, vous m’avez sauvé la vie, après tout, se justifia-t-elle avec un clin d’oeil.
— Nous te payerons quand même notre part, insista Eloah.
— Comme vous voudrez. On y va ? Bek’ commence à avoir des fourmis dans les jambes.
Ils s’engagèrent bientôt sur la première portion du pont et Ferora pu constater à quel point les planches et les madriers étaient bien agencés. Elle se demanda même si les cordes n’étaient pas superflues. Devant une telle maîtrise de la menuiserie, elle questionna de nouveau le disciple d’Eniripsa. Il lui expliqua alors qu’il s’agissait en fait des gens du temple qui avait construit ce pont. C’est-à-dire que la menuiserie était l’activité principale de celui-ci et que cela remontait aux temps suivants la Catastrophe. Certains disciples d’Eniripsa s’étaient rendus compte que pour pouvoir donner les meilleurs soins à leur patient, il leur fallait avant un toit et des murs pour qu’ils se reposent dans les meilleures conditions. Or, à cette époque, les arbres arrachés à la terre s’échouaient par milliers sur les côtes des îles. Il devint donc la matière première principale de la reconstruction. Ainsi, tout les disciples qui étaient de formation bûcheronne se mirent à construire des habitations de repos pour les centaines et centaines de blessés, et malades, qui avaient survécu.
Ces disciples sont bientôt devenus maître dans leur art, aussi leur demanda-t-on de plus en plus souvent de construire d’autres batîments que ceux de leurs patients. Au début, ils acceptèrent bien volontiers, il y avait tant à faire. Malheureusement, les commandes ont si bien afflué qu’ils n’avaient plus le temps de se consacrer à leur discipline et à leur Déesse. Ils ont alors terminé les chantiers en cours puis ils sont partis, sans dire où ils allaient. Ils ont ainsi disparu pendant cinq cents ans. C’est finalement un disciple de Crâ, qui parti à la pêche, remarqua un bâtiment sur une île censé être déserte. Il en informa son gouverneur et une expédition fut engagée. Quelle ne fut pas leur surprise de trouver là les descendants des disciples d’Eniripsa, Maîtres du bois. Ceux-ci furent tout d’abord réticents à l’idée de rompre leur isolement mais le gouverneur sût les convaincre. L’ordre se retrouva donc avec un nouveau temple et trois cents nouveaux disciples d’un coup ! Finalement, leur ré-intégration se passa sans problème et ils gardèrent même une grande indépendance vis-à-vis des décisions du Grand Prêtre de l’Ordre.
Ils entrèrent dans la première tour lorsqu’Ahiâm finit son récit et découvrirent alors un immense hall où trônait une gigantesque statue de la Déesse-Fée. Elle aussi réalisée en bois, elle représentait la Déesse avec tout le matériel nécessaire à une guérisseuse. Mais, le plus impressionnant dans cette œuvre n’était pas son réalisme, mais le puissant sentiment qu’elle dégageait, celui qui vous assurait qu’elle ferait tout pour vous apporter les soins requis à votre rétablissement. Sous la statue, une stèle affichait : « Guérisseur : personne se préoccupant plus de la bonne santé de ses patients que de toute autre chose. »
— Wha ! Qu’est-ce que c’est beau, admira la jeune disciple de Xélor.
— En effet, c’est très réussi, ajouta Noïga.
— Bof, ce n’est que du bois, discuta le disciple d’Iop.
— Iop un jour, Iop toujours, chuchota la disciple de Sacrieur à son amie, un sourire en coin.
— C’est ce qui fait leur charme, s’amusa celle-ci sur le même ton. Alors, Ahiâm, tu as d’autres surprises de ce genre ?
— En fait, il y a une statue par tour. Nous sommes dans celle des Guérisseurs. Vient ensuite celles des Patients, de la Prévention et de la Guérison, des Potions et de la Magie curative. Six tours qui vont par paires, symbolisant ainsi le chiffre de notre Déesse par les trois couples de notre discipline. Et puis, Fero, c’est une sorte de tradition que de laisser découvrir aux nouveaux venus les merveilles de ce pont, les taquina-t-il.
Ils restèrent encore un moment à admirer la statue, Bekaroë rongeant sont frein en s’entraînant contre des adversaires fictifs avec sa nouvelle épée. Il leur fallu encore une heure pour atteindre la troisième tour où ils décidèrent de faire une pause. Même Bek’ fut d’accord quand Eloah expliqua que c’était pour se restaurer. Il n’avait en effet pas mangé depuis plus de cinq heures. Hésitants au début à déjeuner comme cela au milieu du pont, au pied d’une statue de la Déesse-Fée, Ahiâm les rassura immédiatement en leur disant que c’était chose courante vu la longueur du pont. Ils repartirent une heure plus tard, frais et dispo, avançant d’un bon train à la grande satisfaction du disciple d’Iop. Ils ne se parlèrent pas beaucoup durant cette partie du trajet et profitèrent plutôt de la vue qu’offrait le pont sur les côtes de l’île qu’ils quittaient, et sur celles qu’ils rejoignaient. Soudain, Noïga rompit le silence pour demander à la Ryukana :
— Tiens ! Fero, ça vient de me frapper — Virtuellement, Bek’ ! — mais hier, tu nous as expliqué que les Riaucanés…
— Ri-iu-kane, rectifia celle-ci.
— Oui, oui, éluda la disciple de Sadida avant de continuer. En fait, vous naissez avec votre pouvoir, vous êtes riukanes de naissance. Alors, comment se fait-il que tu ais perdu tes pouvoirs ?
— Simplement, les différentes essences qui nous composent ne sont pas naturellement associables, comme tu t’en doutes. Aussi, lorsqu’Ils nous créés, Ils n’associent pas complètement l’essence humaine avec les deux autres. Par conséquent, comme nous naissons comme des humains, nous n’avons pas naturellement accès aux pouvoirs conférés par nos deux autres essences. Pour cela, il faut que notre Dieu ou Déesse référent active le lien avec l’aide de deux autres membres du Panthéon. Par contre, un seul membre suffit pour le rompre. C’est une façon de s’assurer qu’ils gardent le contrôle sur nous, que nous ne développions pas l’idée de les évincer, j’imagine. Tu comprends, maintenant ? interrogea Ferora.
— Heu… J’avoue être un peu perdue avec tes histoires d’essences mais je pense avoir compris l’essentiel. Merci pour tes explications.
— De rien, ça me fait plaisir d’en parler plus librement qu’à mon époque.
— Dites, les filles. Je sais bien que je suis un disciple d’Iop, mais ces nuages là-bas, ils n’annoncent pas une tempête ? annonça le guerrier en pointant avec son épée les nuages noirs qui s’amoncelaient et se dirigeaient vers le pont.
— Mer… Il a raison. Vite, il faut rejoindre la prochaine tour ! lança Ahiâm après avoir observer la menace grandissante. Croyez-moi, ce n’est pas une petite tempête celle-là.
Ils se précipitèrent donc vers la tour de la Guérison et l’atteignirent juste avant que la pluie ne tombe. Un véritable rideau de pluie recouvrait maintenant le bras de mer. Ils ne pouvaient plus voir au-delà de vingt mètres. Heureusement, la tour offrait bien l’abri promis. Commença alors une attente qui pourrait durer plusieurs heures. Toutefois, un quart d’heure à peine après le début de l’averse, Darinao qui l’observait remarqua une silhouette qui semblait avancer péniblement. Elle allait la signaler à Fero lorsqu’elle disparut. La jeune fille se dit alors qu’elle avait rêvé puis la silhouette réapparut soudainement. Cette fois, elle prévint immédiatement la jeune femme qui vérifia ses dires. Quand celle-ci comprit qu’il s’agissait probablement d’une personne qui n’avait pu se réfugier dans une tour à temps, elle voulut s’élancer à sa rencontre pour l’aider. C’est à ce moment qu’Eloah l’arrêta et lui fit remarquer qu’elle pourrait rapidement résoudre le problème par une transposition. Son amie lui signala alors qu’elle-même devrait revenir à pied à la tour et qu’elle ne tenait pas particulièrement à se retrouver avec une disciple de Sacrieur malade comme un tofu. Cette dernière l’assura que ce ne serait pas le cas et se lança immédiatement dans l’exécution du sort.
Elle disparu donc, mais personne ne vint prendre sa place. En fait, quand la disciple de Féca regarda aux alentours pour chercher son amie, elle l’aperçu à une dizaine de mètres à peine, très loin de sa cible. Elle voulut l’interpeler mais celle-ci avait de nouveau disparu pour réapparaître dix mètres plus loin. Et ainsi de suite jusqu’à ce que sa silhouette rejoigne celle de l’inconnu. Voyant les deux silhouettes s’approcher lentement, elle comprit que son amie n’osait plus se servir de ses pouvoirs. Après avoir lâché un juron, elle s’élança à son tour pour les rejoindre en utilisant un peu de sa magie de Ryuakana pour accélérer sa course. Quand elle les eut rejoint, elle enveloppa le groupe dans un de ses boucliers et ils se retrouvèrent bientôt au sec. Les deux jeunes femmes découvrirent alors que l’inconnu était en fait un très jeune disciple d’Eniripsa qui ne devait pas avoir plus de neuf-dix ans et portait un sac rempli de bonbons à la gelée. Après s’être inquiétée de sa santé, Ferora s’inquiéta de celle de son amie. Mais celle-ci fut incapable d’expliquer de ce qui avait bien pu se passer.
Tandis qu’Ahiâm discutait avec l’invité surprise, répondant au nom de Darian, Ferora couvait Eloah d’un regard interrogateur. En effet, cette dernière n’avait pas dit mot depuis que celle-ci l’avait rejointe au milieu du pont, et son regard semblait errer dans les ténèbres de sa conscience. Aucun des autres membres du groupe ne portait d’attention à la disciple de Sacrieur.
— Elo ? murmura la Ryukana en prenant le bras de son amie.
— Hum ? répondit l’interrogée dans un réflexe tout en fixant le vide.
— Elo, ça ne va pas ?
— Si, si… éluda-t-elle distraitement, sans jamais croiser le regard de Ferora.
— La tempête se calme déjà ! hurla Bekaroë enthousiasmé par la perspective de quitter cet endroit contigu.
Il fallut tout de même attendre une petite dizaine de minutes avant de pouvoir mettre le nez dehors, une pluie fine persistait et s’accompagnait parfois de rafales de vent. L’île de Gryne fut foulée de pied ferme par la petite troupe une bonne heure plus tard même si le temps ne s’était pas amélioré. Darian les conduisit directement au temple. Ce qui était une bonne chose car le bâtiment n’était pas visible de l’extrémité du pont et il fallut encore vingt minutes de marche une fois la terre ferme reconquise pour arriver en vue du lieu de culte. L’architecture du temple en question figea les membres du groupe sur place. Il avait la grandeur et l’organisation attendues pour un temple d’Eniripsa, mais le matériau de construction était du bois, là où on se serait attendu à de la pierre. Le jeune disciple d’Eniripsa avait continué son chemin sans s’apercevoir de l’émoi de ses secouristes. Un homme encapuchonné vint à sa rencontre. Ils échangèrent quelques mots puis, le jeune disciple termina son chemin en courant jusqu’au temple. L’homme encapuchonné fit un signe de la main invitant le cortège hétéroclite à le rejoindre. Noïga fut la première à reprendre la marche, suivie de près par Bek’, puis des autres membres du groupe.
— Bienvenue sur Gryne, voyageurs ! lança chaleureusement l’homme en se découvrant. C’était un homme d’une cinquantaine d’années, les cheveux courts et grisonnants, la mine joyeuse, grand et sec. L’un de vous nécessite-t-il des soins d’urgences ? hasarda le prêtre en considérant l’apparent excellent état physique des aventuriers.
— Non, non. Tout le monde va bien. Je suis Ahiâm Sacriange, j’initie mon voyage de confirmation. Le temple de Gryne est ma première étape.
— Parfait ! Nous ferons le reste des présentations une fois au sec. Suivez-moi.
L’homme se recouvrit le chef et mena Ahiâm et ses compagnons dans le hall du temple. A l’intérieur, ils furent tous stupéfaits de détailler des murs de pierres. Une fontaine ornait la pièce d’accueil. Une magnifique statue représentant la Déesse-fée en posture de défense siégeait en son centre, la paume de sa main gauche face aux visiteurs, son bras droit levé et légèrement en retrait, armé d’une baguette. C’était une représentation assez inhabituelle de la Déesse des soins, ce qui ajoutait au charme de l’œuvre. Seul Bek’ ne semblait s’émouvoir de la sculpture, il s’intéressait pour sa part plus particulièrement aux nombreux kamas brillants depuis le fond de la fontaine.
— Souhaiteriez-vous solliciter la bienveillance de notre Divinité sur votre personne, Maître Iop ? taquina le prêtre.
— Co-comment ? bégaya l’interpellé.
— Voudriez-vous faire un vœux ?
— Heu… Non, non. Merci.
— Il n’est pas nécessaire de jeter vos kamas dans la fontaine, si cela vous inquiète !
— Bek’ aime les choses étincelantes, confia Noïga avec un sourire.
— A votre image, mon enfant ! flatta l’homme avec un sourire encore plus grand.
Bekaroë devint aussi rouge qu’un bwak de feu en colère, gêné par l’expression haute et forte de sa propre pensée. Les prêtres d’Eniripsa auraient-ils le pouvoir de lire dans les pensées ? se demanda-t-il. Il se jura d’en toucher un mot à Ahiâm dès que possible. Noïga gratifia le prêtre d’un nouveau sourire, puis ce dernier les invita à déposer leurs affaires mouillées sur des portants prévus à cet effet. Il leur assura qu’aucun vol ne serait commis et qu’ils pouvaient laisser leurs vêtements à sécher ici en toute confiance. Après avoir traversé le hall, le groupe fut escorté jusqu’au bureau personnel du prêtre qui se présenta comme le Docteur Casel. Là, ils purent s’installer à leur aise sur de confortables divans et se réchauffèrent avec une bonne tisane aux vertus réparatrices. L’homme écouta attentivement le récit plus que banal d’Ahiâm, contant leur départ d’Orchomène et leur rencontre fortuite avec le duo Noïga - Bek’, en oubliant volontairement tous les passages mouvementé de leur périple. Le jeune soigneur ignorait d’ailleurs comment expliquer à l’homme qu’il n’était pas en mesure de lui fournir les précieuses larmes d’Eniripsa. Il décida d’écarter le sujet et de remettre ça à plus tard. Le récit achevé, l’homme identifia le jeune disciple que le groupe avait recueilli sur le pont comme le fils d’un autre disciple d’Eniripsa, vivant sur Gryne, le Maître bûcheron et sculptemage Darian, le père. Enfin, Casel parla de sa fonction sur Gryne, Grand Prêtre de la magie curative et coordinateur du temple. Devant le scepticisme de ses invités n’ayant jamais entendu parler de coordinateur d’un temple, il expliqua. Ce temple, de par son isolement, avait quelques particularités. Etaient présents sur cette île un Grand Prêtre spécialiste des potions, un Grand Prêtre spécialiste des cataplasmes et autres pansements ainsi qu’un grand prêtre spécialiste de la magie curative, lui-même. Trois Grands Prêtres donc, pour un unique temple. L’histoire avait voulu que les patients atteints de maladies incurables soient envoyés sur l’île de Gryne afin de ne pas propager leur maladie dans un monde déjà dévasté. Trois Grands Prêtres volontaires et de spécialités différentes avaient été choisis pour remplir cette mission de prise en charge, de compréhension et de traitements des maladies rares. Le Docteur Casel, dont les talents diplomatiques avaient depuis longtemps fait leurs preuves, avait en plus la responsabilité de la coordination des différents arts de la guérison.
— Ce temple est donc exclusivement un hôpital ? questionna Ferora.
— Non, non. Il est vrai que nos patients nous prennent beaucoup de temps. Mais nous faisons aussi beaucoup de recherches, notamment sur de nouvelles potions. Il est indispensable, à ce sujet, que tu passes du temps avec mon ami et collègue spécialiste de ce domaine, Ahiâm.
— Je le ferai, promit l’initié.
— Je dois reconnaître que les cérémonies en l’honneur de notre Déesse sont plutôt rares. Nos programmations sont souvent annulées par des urgences médicales. Par ailleurs, nous avons très peu de disciples en formation, ici. Enfin, très peu restent à long terme. Les visiteurs sont la plupart du temps des collègues d’autres îles venant se former à de nouvelles techniques. Nous n’avons effectivement pas le loisir de quitter cette île pour transmettre notre savoir et nos progrès. C’est eux qui doivent venir à nous. Les autres visiteurs et bien, ce sont les voyageurs égarés !
— La statue d’Eniripsa, à l’entrée, elle… commença Ferora
— Oui, je sais, la coupa-t-il, plutôt surprenant, hein ? En réalité, enchaîna l’homme bavard, nous sommes souvent occupés dans les quartiers de quarantaine du temple, et parfois des voyageurs entrent sans que personne ne les ait accueilli. En général, cette représentation fait son petit effet et les gens patientent dans le hall au lieu de s’aventurer dans le temple. Darian, le fils, va vous conduire vers vos appartements en dehors du temple. Je dois retourner à mes affaires, maintenant. Je vous laisse avec le petit !
Casel appela Darian qui accourut aussitôt. Le prêtre prit congé du groupe et disparut au tournant d’un couloir.
— Où voulez-vous aller ? demanda le jeune Darian au groupe.
— Nous aimerions déposer nos affaires, tout d’abord, répondit Ferora.
— Ahiâm ? interpela le Docteur Casel de nouveau visible au tournant. Suivez-moi !
— Tiens Bek’, je te confie mes affaires. A plus tard !
— A plus tard ! lancèrent en cœur tout les autres.
Darian mena Darinao, Ferora, Eloah, Bekaröe et Noïga vers une bâtisse détachée du temple. De là, les aventuriers remarquèrent différents bâtiments érigés derrière celui-ci et formant un mini village. Toutes ces constructions étaient en bois.
— Pourquoi le temple est-il recouvert de planches en bois ? Ces maisons aussi le sont ?
— Les bâtisses devant, fière représentante de la Nature, sont exclusivement en bois. Seul le temple est de pierre. On l’a recouvert de bois pour plusieurs raisons, à ce qu’on m’a dit. Cela permet de protéger la pierre au long terme contre les violentes intempéries que nous subissons à cause d’Ogrest. Les carrières sont devenues rares et l’extraction de la pierre est devenue très compliquée. Alors que du bois… Sur Gryne, on en a récupéré des tonnes qui flottaient.
— Et les autres avantages ? questionna Ferora.
— Cela permet également de cacher le temple, il se fond dans le paysage. Ici, désigna le jeune garçon, c’est là où nous stockons les denrées périssables, là, on y fait sécher le bois et le petit bâtiment accolé c’est l’atelier des bûcherons. Je vous laisse vous installer dans cette petite maison, je vais voir mon papa à l’atelier des bûcherons.
Puis, le garçon confia les clés de ladite maison à Noïga et s’en alla vers l’atelier en jetant un dernier regard à Darinao. C’était une maison rustique. Au rez-de-chaussé, une grande table et deux bancs taillés dans du merisier faisaient face à une grande cheminée. Un coin cuisine modeste et un débarras étaient aussi présents. Un escalier en colimaçon, sculpté dans un jeune chêne selon l’œil expert de Ferora, montait vers l’étage supérieur. Une chambre, unique, composée d’un lit double et de deux lits simples, plus un fauteuil d’un côté du conduit de cheminée. Aucun des lits n’étaient semblables, chacun taillé dans un bois différent et sans harmonie de structures entre les lits. De l’autre côté du conduit de cheminée une porte menait à une toute petite salle de bain. Eloah identifia un réservoir d’eau adossé au conduit de cheminée qui permettait d’avoir de l’eau tiède pour se laver. Mais cela semblait insuffisant pour pouvoir tous se laver correctement, il faudrait sans doute aller se laver au temple. Ayant tous comprit qu’il y aurait un problème de lit, ils s’organisèrent. Ferora et Darinao dormiraient dans le lit double, Eloah et Noïga chacune dans un lit simple et Bek’ se désigna pour dormir au sol, sur un matelas de fortune. Ahiâm devrait probablement passer ses nuits au temple. On frappa à la porte du gite tandis que tout le monde s’installait. Darinao descendit ouvrir la porte au jeune Darian, accompagné de son père du même nom. Les deux hommes apportaient des couvertures et des couettes en plumes de kwak des glaces. Le gite ne payait pas de mine, mais les couettes bleues ravirent les occupants, on ne pouvait mieux dormir que dans un tel édredon. En entrant, le maître bûcheron remarqua le bâton de Noïga posé contre un mur, et fit une triste mine en considérant son état.
— C’est pourtant une belle œuvre, vous devriez en prendre soin ! lâcha le père du garçon en s’adressant à tout le monde. A qui appartient ce magnifique bâton ?
— C’est le mien, cher monsieur. J’ai dù, récemment, affronter quelques démons qui lui ont laissé quelques traces, s’excusa presque Noïga.
— Allons, suivez-moi, nous allons réparer ça.
— C’est bien aimable à vous.
— Oh, je ne peux y faire grand chose, juste l’arranger un peu. J’ai dù abandonné ma formation en sculptemagie, malheureusement…
— C’est une chose que je peux vous apporter, rebondit aussitôt Ferora déconcertant l’homme qui se tût quelques secondes puis afficha un grand sourire.
— Ah ! Ah ! Les Douzes ont guidé vos pas, preuve qu’ils sont encore dans la course ! se réjouit Darian en sortant de la bâtisse.
Noïga et Ferora suivirent le bûcheron jusqu’à son atelier pour rendre une nouvelle vie au bâton de la disciple de Sadida. Le fils Darian accepta l’invitation de rester jouer avec Darinao au gîte, sous la surveillance d’Eloah. Bek’, quant à lui, déclara vouloir faire quelques exercices en extérieur, malgré un temps maussade. Les enfants jouant calmement, Eloah s’assoupit progressivement dans le fauteuil, près du conduit de cheminée à l’étage, une couette bleue sur les genoux, jusqu’à sombrer dans un profond sommeil.
Elle rêva. Son inconscient lui fit faire un résumé des derniers évènements. Une scène vécue se répéta régulièrement dans ses songes. Un objet s’imposait progressivement dans son esprit, occultant tout le reste. Elle s’éveilla en sursaut, déconnectée de la réalité. Le bruit des deux enfants jouant sur la table un niveau en dessous lui fit retrouver ses repères. Visiblement, elle ne s’était pas endormie longtemps. Elle se leva et alla fouiller dans sa besace pour trouver l’objet de ses songes. Une clé. Une clé qui était apparue dans sa pinte de bière alors qu’elle partageait un moment à Orchomène avec son frère Ahiâm. Elle se cala de nouveau dans son fauteuil avec sa couette douillette et chaude, et cette clé, serrée dans ses mains, posées contre sa poitrine. Eloah s’abandonna de nouveau très rapidement au sommeil. Son esprit ne mit pas de temps à divaguer dans les méandres de sa mémoire. Son inconscient se focalisa cette fois sur Lean. Elle le voyait, prisonnier dans une cellule. Elle se voyait le secourir. Cette clé permettant d’ouvrir la cellule. Mais quand elle pénétrait dans la geôle, une fiole brillante flottait dans l’air, lui barrant le passage jusqu’à Lean. A chaque pas qu’elle essayait, l’intensité de la lumière émise par cette fiole s’amplifiait. Puis, c’était l’explosion. Une explosion gigantesque, détruisant le monde tout entier. Elle se voyait projetée dans les airs en même temps que Lean, dans une direction opposée, son frère tendant sa main vers elle mais s’éloignant petit à petit. Par-dessus toute cette scène, un rire gras venu d’un ogre imaginaire ajoutait au caractère apocalyptique. Eloah s’éveilla enfin, en nage, les yeux mouillés, les jambes tremblantes. Dehors, un véritable déluge pleuvait. Elle descendit rejoindre les enfants, tentant de masquer au mieux son émoi.
— Hé bé ! Sacré temps dehors ! lança-t-elle faussement joyeuse.
— Tu parles beaucoup dans ton sommeil, Elo ! répondit Darinao tout en abattant une carte maîtresse.
— Rhô ! Tu as encore gagné ! grogna le jeune Darian.
— Ah, oui ! Je parle ? C’est que je suis très bavarde ! mentit la disciple de Sacrieur en dissimulant sa gêne. Bon, il faut que je vous laisse, vous ne ferez pas de bêtises, hein ?
Deux paires d’yeux se fixèrent sur elle, presque menaçants. Puis, les deux jeunes amis se concentrèrent de nouveau sur leur jeu, sans même penser à demander où elle allait. Eloah s’habilla rapidement en fonction des circonstances climatiques et quitta le gîte sans un mot de plus. Elle avait compris.
Pendant ce temps, Ferora et Noïga pénétraient dans l’atelier du père de Darian. Celui-ci rassemblait une collection impressionnante et hétéroclite d’outils d’artisan, de travaux en cours ou abandonnés, mais aussi quelques uns en attente d’être livrés à leur acquéreur. Se frayant un chemin à travers l’univers du sculpteur, les deux jeunes femmes avaient peine à suivre le maître des lieux jusqu’à son atelier proprement dit. Darian l’avait installé dans un coin du bâtiment, histoire d’avoir deux murs pour poser ses outils. De plus, étant face à une fenêtre exposée à la lumière du jour, cet emplacement retint finalement l’attention de Ferora et en félicita leur hôte.
— Bah… Ce n’est pas de mon fait. Il a toujours été là depuis aussi longtemps que remonte la mémoire de notre famille. Vous savez, parmi ce bric à brac, il y a sûrement des outils aussi vieux que la Catastrophe, voire plus. Mais, je n’ai jamais eu le courage de tout rangé. Peut-être cela sera-t-il fait lorsque le maître sera une femme ! Ha ! Ha ! Ha ! ria-t-il de sa bonne blague avant de se souvenir qu’il avait deux femmes en face de lui.
— Qui sait ? lui répondit, au tac à tac, Noïga à qui il en fallait bien plus pour blesser sa fierté féminine.
— Je ne vois pas de runes, comment scultemagez-vous ? interrogea sa compagne.
— Heu… C’est-à-dire que cela fait si longtemps que j’ai abandonné ma formation…
— Vous ne savez plus ? demanda-t-elle intuitivement.
— C’est ça. Je suis désolé, mais il va falloir fouiller si vous voulez excercer votre art.
— Mhouai. J’ai bien peur que ce serait plus facile de retrouver une aiguille de moskito dans une montagne de laine de boufton. Je vais utiliser une méthode un peu plus rapide, si vous m’y autorisez.
— Oui, bien sûr. Allez-y.
La ryukana utilisa alors la même méthode qu’elle avait utilisé pour suivre ses compagnons à la trace dans le repère de la disciple de Xélor. Au début, ses perceptions furent noyés sous l’afflux de magie résiduelle que tout les objets dégageaient. Puis, comme les runes étaient magiques par nature, elle put se concentrer sur cette émission plus forte et en localisa une vingtaine. Certaines étaient inatteignables, trop profondément enfouis dans le bric à brac, d’autres ne correspondaient pas à ce qu’ils recherchaient. Finalement, Ferora dénicha tout de même une quinzaine de runes répondantes à leurs besoins. Darian fut impressionné par cette démonstration et voulut immédiatement embauché la jeune femme pour retrouver tout les objets qu’il avait perdu. Elle déclina bien entendu son offre.
— Tant pis. J’aurais essayé. Voyons voir ce bâton.
— Il a été abîmé par un feu magique, lui apprit la disciple de Sadida en le lui tendant.
— Hum… Oui, en effet. Mais le cœur du bois est intact. Si je passe par ici et que je rabote par là, j’aurais déjà éliminé le plus gros. Il sera juste un peu plus court.
— Pas de souci, faîtes ce que vous avez à faire…
Mais déjà, Darian ne les écoutait plus que distraitement et cherchait les outils dont il allait avolr besoin. Puis, il commença à travailler sous le regard des deux jeunes femmes. Dehors, la pluie ne manifestait toujours aucune faiblesse une heure plus tard. Le maître sculpteur venait de finir son ouvrage et Noïga examinait son trvail. Elle hut heureuse de constater que Darian n’avait pas renier le travail du sculpteur d’origine mais l’avait plutôt accompagné afin de restaurer son outil tout en y ajoutant la patte typique des artisans disciples d’Eniripsa. C’était maintenant au tour de la sculptemage d’entrer en jeu. Ferora sortit, de son sac, la dague de son métier, prit la première rune dans son autre main et se lança dans une étrange incantation.
— Oh ! C’est… C’est l’incantation des maîtres sculptemages d’avant la Catastrophe ! Comment est-ce possible ! Tout leur savoir a été perdu ! s’écria stupéfait le maître sculpteur.
— C’est que… Ferora et ses amies sont un peu spéciales, répondit hésitante sa compagne.
— Ah ! Ça, c’est sûr ! Vous croyez qu’elle pourrait me l’enseigner ? Arf ! Non, je n’ai pas les compétences nécessaires. Mais, il faut absolument que j’en parle au Docteur Casel. Ce savoir doit être transmi ! décida-t-il vivement.
La première incorporation ayant fonctionné, Ferora prit la seconde rune et recommença. Elle échoua à la cinquième et à la neuvième mais réussit parfaitement les autres. Lorsque Noïga reprit son nouveau bâton en mains, elle sut tout de suite que Ferora l’avait considérablement renforcé et voulut immédiatement l’essayer. Malheureusement, la pluie tombait inexorablement et les terrains d’exercices n’étaient pas couverts. Elle fut donc un peu dépitée, mais ce sentiment s’effaça vite devant la joie de posséder une telle arme. Elle embrassa vivement Ferora et Darian pour les remercier.
— Tu ne cesses de m’étonner, Ferora. Où as-tu donc appris ton art ? On ne pratique plus ainsi depuis la Catastrophe.
— Tu sais, Darian, les filles ont leurs secrets, le taquina-t-elle.
— C’est ce que ma femme me disait souvent. Mais là, nous parlons de secrets perdus depuis plus de milles ans !
Soudain, une intense lumière bleue sortit du sac de la disciple de Féca et illumina tout l’atelier. Celle-ci fouilla alors à l’intérieur et en sortit la boule reçut au marché d’Orchomène d’un disciple d’Énutrof cartographe.
— Sûr que vous êtes speciales, voilà maintenant que vous sortez de votre sac un communicateur du Clan. Je m’en souviendrai de ce jour !
— Ici, Latas. Je cherche à joindre la disciple de Féca du passé, déclara soudain la voix d’un viel homme à travers le communicateur avant de se répéter après un certain temps d’attente.
— Ici, Ferora. Je vous écoute.
— Ah ! Vous êtes toujours en vie, c’est une bonne chose. Où êtes-vous actuellement ?
— Heu… À l’île de Gryne.
— Et vous êtes dans les temps ! Parfait. Je voulais vous dire que j’ai récemment découvert l’existence d’une ancienne bibliothèque sous le temple. Je vous conseille de l’explorer si vous cherchez des réponses.
— Heu… Oui, très bien. Mais, j’avais quelques questions à vous poser avant cela.
— Comme ?
— Et bien, déjà, comme se fait-il que vous ayez utilisé ce sceau dans votre missive à Orchomène ?
— On découvre bien des choses en explorant le monde.
— Certes, mais ce sceau n’est pas ordinaire. Il ne peut…
— Ah ! Je dois vous laisser. Je vous recontacte très bientôt !
— Attendez ! s’écria trop tard la jeune femme.
— Une ancienne bibliothèque, sous le temple. Se pourrait-il que les légendes soient vraies, se demanda Darian. Décidement, on ne s’ennuie pas avec vous.
— C’est ce que je n’arrête pas de dire depuis que je les ai rencontré, ajouta malicieusement Noïga.
— De quelles légendes parlez-vous ? interrogea sa compagne après avoir rangé la boule redevenue à son état d’origine.
— Oh ! De vieilles légendes qui circulent de générations en générations, les Grands Maîtres en sauront plus que moi. Vous devriez aller leur en parler.
— Très bien, nous irons demain alors. Pour l’heure, il me semble plus raisonnable que nous nous reposions tous dans de bons lits bien douillets.
Les deux jeunes femmes prirent donc congé de Darian après l’avoir une nouvelle fois remercié. Elles trouvèrent Bek’ en pleines tentatives d’allumer la cheminée. Le pauvre avait l’air d’avoir eu toutes les peines du monde. Toutefois, Noïga et Ferora remarquèrent vite qu’il avait essayé d’allumer du bois trempé par la pluie. Elles lui expliquèrent alors son erreur et bientôt un feu ronfla dans le foyer, jusqu’à ce que le disciple d’Iop décide que le feu ne réchauffait pas assez vite la pièce et décida d’y appliquer un de ses sorts. Aussitôt, le feu prit de l’ampleur, tant et si bien qu’il menaça de mettre le feu à tout le gîte. Heureusement, Darinao, qui jouait toujours devant avec Darian junior, réagit vite et téléporta la puie à l’intérieur du foyer. L’eau finit par remporter la bataille après un âpre combat.
Le gîte ne risquait plus rien et personne ne fut blessé. On pardonna donc à Bék’, devenu tout penaud. Néanmoins, il fut décidé d’interdire l’accès à la cheminée au disciple d’Iop. Personne n’avait envie de se réveiller cette nuit dans une maison en flammes. L’incident étant clos, Ferora monta à l’étage pour parler avec Eloah tandis que Noïga se lançait dans la préparation du dîner. Bien sûr, la jeunne femme n’y trouva pas son amie et redescendit demander des nouvelles à la jeune disciple de Xélor. Elle lui apprit que la disciple de Sacrieur était sortie peu de temps après leur départ à tous et qu’elle n’était pas revenue depuis. Elle n’avait pas dit où elle allait, ni quand elle rentrait. Cela inquiéta la disciple de Féca mais elle se dit que son amie avait sans doute besoin de solitude pour réfléchir aux événements du pont.
La soirée se passa sans autres incidents. Darian, le fils, rentra chez lui après le dîner. Les filles montèrent les premières se coucher, puis Bék’ les rejoignit quand elles l’appelèrent. La nuit fut calme, la pluie ayant enfin cessé, et les cauchemards absents depuis fort longtemps. Le lendemain, quand Ferora se réveilla, Darinao dormait encore profondément lovée contre son corps, ainsi que Bék’ étalé sur tout son matelas de fortune, Noïga n’était déjà plus là, et Eloah également. Inquiète que son amie ai passé la nuit dehors, elle voulut se lever. C’est alors que Dari se réveilla légérement et se plaignit qu’il était encore bien trop tôt pour se lever. La disciple de Féca ne put résister et resta allongée. Elle finit par se rendormir.
A son second réveil, Bék’ n’était plus là et la jeune fille se réveillait également. Ferora se leva donc et descendit les escaliers. Noïga était là, en train de réchauffer ce qu’elle avait préparé pour le petit déjeuner. Bék’ était absent.
— Et bien, de vrais marmottes aujourd’hui ! plaisanta la disciple de Sadida.
— Quelle heure est-il ? demanda son amie.
— Ça doit bien faire quatre heures que le jour est levé, et deux que je vous attends. Bék’ est sorti il y a une heure, pour continuer à s’entraîner, je suppose. Ces iops, ils ne savent jamais s’arrêter.
— Peut-être tient-il à être fort pour protéger celle qu’il aime, fit remarquer la jeune femme.
— Comment savoir ce qu’ils pensent, répondit Noïga rougissante.
— Ouai, ça sent bon. Qu’as-tu fait, Noïga ? interrogea curieuse la disciple de Xélor, à peine descendue la dernière marche.
— Une recette de chez moi, améliorée par ma mère.
— Ça ne répond pas vraiment à ma question, ronchonna soudain la jeune fille.
— Non, pas vraiment, répliqua la jeune femme avant de rire aux éclats, bientôt suivie par Ferora.
— Puf…
Une fois au dehors, Eloah se couvrit de sa capuche et courut en direction du temple. Elle aperçut du coin de l’œil Bekaroë en plein combat contre une horde d’ennemis aussi coriaces qu’imaginaires. Elle gagna rapidement l’entrée du bâtiment et se mit en quête de son frère. Mais le temple, bien que de taille modeste, s’avéra vide d’occupants et la multiplicité des couloirs fit hésiter la disciple de Sacrieur plusieurs minutes. Elle choisit alors une direction au hasard. Elle devait se dépêcher. Elle sentait que, déjà, les souvenirs de son rêve s’estompait. Il fallait qu’elle en parle à Ahiâm. Peut-être aurait-elle dû rejoindre Ferora en premier lieu, plus facile à trouver. Mais son trouble avait effacé la raison et Eloah s’était naturellement dirigée vers son frère jumeau, qui avait partagé la vie de son aîné. En errant dans les couloirs du temple, elle regrettait progressivement sa décision. Les détails de son rêve avaient déjà fuit et elle se concentrait pour se remémorer la scène.
Elle errait alors sans plus avoir conscience de son environnement. Et dès qu’elle explorait de nouveau les lieux pour retrouver Ahiâm, son rêve s’échappait. Bientôt, elle ne se souvint plus que de Lean, dans une cellule, et cette lumière qui la repoussait. De bien maigres indices à rapporter à ses camarades. Elle se sentit alors vraiment stupide et s’adossa contre le mur froid d’un couloir. Elle glissa la main dans une poche et en ressortit la clé. Qu’ouvrait donc cette clé ? Qui l’avait téléporté jusqu’à elle ? Peut-être n’était-ce qu’une erreur. Une clé insignifiante utilisée pour tester la capacité d’un novice en plein exercice dans un temple. Peut-être cela n’avait-il rien à voir avec Lean. Peut-être même, Lean avait-il déjà disparu. Après tout, Eloah avait combattu une, et une seule, de ces disciples qui se font appeler « Les Sœurs », et elle avait douloureusement gouté à sa puissance. Elle ne s’en était sortie que grâce à l’intervention combinée de Ferora et de la puissance des larmes d’Eniripsa. Elle effaça immédiatement cette triste pensée et reprit confiance en la survie de son aîné. Son introspection mentale la mena alors aux derniers évènements. Elle se focalisa sur son échec à utiliser ses pouvoirs, sur le pont, quelques heures plus tôt seulement.
— Vous cherchez ? questionna suspicieusement un gros homme chauve, portant fièrement une barbiche noire bien taillée.
— Ahiâm ! hurla plus que ne répondit Eloah totalement surprise. C’est, euh, mon frère, bégaya-t-elle en reprenant ses esprits.
— ’connais pas.
— Oui, euh, nous sommes arrivés récemment. Par le pont, précisa-t-elle comme pour se justifier.
— ’m’en doutes !
— Ah ! Oui, c’est le seul chemin, effectivement, je… Vous ne l’auriez pas croisé, par hasard ?
— Qui ? Vot’ frère ? J’le connais pas ! Alors p’tèt ben que j’lai croisé.
— Ah.
— Mais c’pas dans l’incinérateur qu’vous aller l’trouver. J’ai pas eu d’Amaï au four aujourd’hui.
— Ahiâm, corrigea timidement Eloah. Mais, euh, quel incinérateur ?
— Bah quoi ! Vous croyez quand même pô qu’on les enterre. Y’a pô la place ici. Et puis, avec leurs sales maladies, là, vaut mieux brûler. On sait pas qu’c’est qu’ça peut faire après dans la terre, aux plantes et aux animaux et tout.
— Ah ! Oui. Bon et bien, je vais faire demi-tour alors !
— Bah ouais. Parce que là, c’est un cul-de-sac ! J’vais vous conduire. Suivez-moi ! ordonna presque le fossoyeur.
— Bien, répondit docilement Eloah, mal à l’aise.
Le fossoyeur conduit Eloah dans le bureau du maître des potions. Il attendit avec elle, ne la quittant pas du regard une seconde. L’homme en profita pour poser quelques questions malhabiles sur la raison de la venue d’Eloah et de son groupe, leur projet et leur allégeance. La jeune femme se contenta de répondre par quelques banalités autour du voyage initiatique de son frère, ce qui parut apaisé son interlocuteur car il se tut plusieurs minutes. Il allait reprendre son interrogatoire quand le maître des potions accompagné d’Ahiâm pénétrèrent dans le bureau.
— Elo ? Que fais-tu ici ?
— Hé bien, euh, je te cherchais, mais je me suis égarée et, euh, ce monsieur m’a retrouvé !
— C’est qu’on a pas l’habitude de voir des inconnus vagabonder vers le four ! précisa le fossoyeur, aussitôt remercié et congédié par son supérieur.
— Pouvons-nous vous être utile en quoi que ce soit, ma dame ? demanda le maître chimiste.
— En réalité, peut-être reconnaitriez-vous certains symptômes ?
— Ce doit être dans mes cordes, après tout, ne suis-je pas médecin ?
Rassurée par la présence de son frère et l’attitude amicale du docteur, Eloah confia qu’elle avait quelques problèmes de concentrations et de mémoire, sans plus de détails, ni sur l’évènement du pont, ni sur son rêve. Le maître-disciple s’excusa et disparut moins d’une minute durant laquelle les deux jumeaux échangèrent des sourires plein de tendresse. L’homme revint et lui fit boire une potion au doux parfum de rose. Eloah apprécia ce breuvage délicat. Elle vit l’homme lui sourire, heureux d’aider son prochain. Puis, sa vue se brouilla, elle pencha la tête en avant et régurgita la potion, et de son propre sang. Ses sens se brouillèrent. Elle sentit les deux hommes se précipiter à sa rescousse. Elle capta quelques mots, allergie, alcool, et wakfu en faisaient partie. Ahiâm et le maître des potions passèrent énormément de temps à examiner Eloah, qui avait sombré dans l’inconscience. Au fur et à mesure de leurs échanges, plusieurs hypothèses furent soulevées par le maître suite aux réponses données par le frère de la patiente. Toutes furent cependant écartées car beaucoup trop fantaisistes aux yeux de l’expert. L’une d’elles, cependant, retint l’attention du novice. Une pathologie extrêmement rare, dont les cas recensés se comptent sur les doigts d’une main. La disruption élémentaire. Il devrait en parler à Ferora.
Ahiâm passa ainsi la nuit auprès de sa sœur. Il attendrait le lendemain pour prévenir ses compagnons, ne voulant pas attirer plus encore l’attention. Ahiâm avait déjà réussi à obtenir de son mentor temporaire de ne pas en inquiéter les autres maîtres du temple, ayant déjà beaucoup à faire que de s’occuper de sa sœur, probablement très fatiguée et ayant attrapée un coup de froid. Voilà une version qui avait convaincu le maître des potions, au moins pour un temps. Sauf si l’état d’Eloah ne s’améliorait pas… Le lendemain matin, Ahiâm alla au devant du docteur et lui mentit qu’Eloah s’était réveillée dans la nuit avec des frissons. Il détailla les soins factices qu’il lui avait prodigué et assura l’homme qu’elle n’avait maintenant besoin que de calme et de repos. Il obtint ainsi de pouvoir garder Eloah dans la chambre de convalescence où elle avait été installée la veille. Le jeune soigneur se dirigea alors à pas rapides vers le chalet où avaient été installés ses camarades. Il débarqua dans la maisonnette et surpris ses amis en plein petit déjeuner.
— Hey, Ahiôum ! s’exclama, la bouche pleine, Darinao.
— Salut, les amis.
— Dis, tu as vu ta sœur ? questionna immédiatement Ferora.
— Oui, j’ai passé la nuit avec elle.
— Ah ! Ça me rassure ! Tu as mangé ? l’invita-t-elle déjà rassurée, Noïga vient de préparer un succulent petit déjeuner !
— Même chi elle refuse de dévoiler la rechette, ch’est vraiment très bon. encouragea Darinao en se servant davantage.
— Oui, oui, j’ai avalé quelque chose. Mais, Ferora, je voudrais te parler.
— Je t’écoute, Ahiâm.
— Tu as entendu parler de disruption élémentaire ?
— Pas de gros mot à table ! taquina Darinao en se resservant du jus d’orange.
— Et bien, oui. Il me semble avoir entendu parler de cela. Pourquoi cette question ?
— J’ai le sentiment qu’Eloah en souffre. Elle n’a jamais éduqué son wakfu, puisqu’elle vient du passé. Et les lois magiques qui régissent ce monde semblent prendre le dessus. Je crois que son corps ne sait plus comment fonctionner, et j’ai peur que cela affecte rapidement son esprit, confia Ahiâm en assombrissant lourdement l’ambiance matinale.
— Attendez, c’est quoi cette disruption élémentaire ? demanda Noïga stupéfaite.
— Un déséquilibre des flux magiques. Tu dois savoir que chacun d’entre nous est plus ou moins sensible à différents éléments. Le contrôle de nos pouvoirs passe par la maîtrise de ces flux et l’équilibre que nous savons maintenir entre les éléments magiques qui nous composent. Dans un combat, tu as dû te rendre compte que plus tu utilisais, par exemple, le flux de la Terre, plus il était difficile de l’invoquer.
— Je vois tout à fait, assura la disciple de la Nature.
— En tout cas, c’est une hypothèse qui pourrait expliquer les derniers évènements affectant Elo. Où est-elle, en ce moment ?
— Dans une chambre de convalescence, au cœur du temple. Mais je préfèrerais qu’on garde ça pour nous. Je ne sais pas comment vont réagir les maîtres du temple s’ils l’apprennent. Ils pourraient croire que c’est contagieux et vouloir la garder.
— Il y a également une chose qu’il faut qu’on aille voir. Cette fameuse bibliothèque… glissa Ferora en se levant. Je te suis.
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